Journée internationale des personnes âgées

 

Une de mes patientes plus que centenaire avait coutume de répéter :
« Quand on est vieux, il y a deux règles auxquelles ils ne faut jamais déroger. Être aimable et sentir bon ».

La Journée internationale des personnes âgées est une excellente occasion de parler de kinésithérapie et des kinésithérapeutes. En cette année 2016 elle met l’accent sur les discriminations dont font encore trop souvent l’objet nos plus anciens.

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La rééducation des sujets âgés

Cette péjoration est répandue au point de devenir une norme sociale jugée acceptable, une banalité, qui se manifeste de différentes manières dans la plupart des sociétés, trouvant son expression certes dans les attitudes des individus et dans les représentations médiatiques dévalorisantes, mais aussi, de manière assez pernicieuse, dans les pratiques institutionnelles et politiques.

Notons dès à présent que par extension le fait de s’occuper de la santé des vieux n’est pas une activité professionnelle socialement valorisante, et nous le verrons ensuite, mal valorisée.

Tout d’abord rappelons la définition de la kinésithérapie (2016) :
« La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement » :
1° Des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne;
2° Des déficiences ou altérations des capacités fonctionnelles.

S’il est facile de comprendre que la kinésithérapie est au cœur de la problématique du vieillissement, il semble plus difficile de définir à quel moment l’on devient vieux, car au fond nous sommes toujours le vieux de quelqu’un. Du retraité jeune au vieillard cacochyme il y a donc toutes sortes de nuances de vieux, mais un point commun, le vieillissement.

 

Il est possible de distinguer trois grands types de vieillissement :

  • Morbide : maladies, déficiences, handicap et dépendance … scénario noir. Patient de 61 ans, vivant seul, hémiplégie gauche, polynévrite éthylique (mais sevré), troubles cognitifs, souffre de chutes à répétitions.
  • Usuel : déconditionnements et désafférentation… la fragilité rode.* Patiente de 85 ans, vivant seule, 5ème étage sans ascenseur, PTH droite (première chute sérieuse), DMLA, souffre de ne plus oser sortir de chez elle.*
  • Réussi : un paradigme et l’objectif à atteindre… Happy End. Patiente 95 ans, vie seule, famille dans le même immeuble, ciphoscoliose, deux PTH, chaussures orthopédiques (inégalité de longueur MI), désire rester autonome.

Le kinésithérapeute avisé s’efforcera de déterminer de quel type de vieillissement son charmant nouveau patient ou charmante patiente ressort. Ce faisant il va découvrir de nouvelles catégories :

  • vieillissement usuel avec pathologie(s). Patiente 90 ans, vivant seule, diabétique, ciphose, gros bras du sein, souhaite rester autonome;
  • et vieillissement usuel avec handicap(s). Patiente 88 ans, vivant seule, spinabifida, lombalgie chronique, souhaite rester autonome et continuer à partager son temps entre Paris et Province.

 

Des particularités de la rééducation du sujet âgé :

  • Le terrain est en fait quasi toujours polypathologique… le bilan prend un temps certain.
  • Les patients sont souvent polymédiqués, le kinésithérapeute, surtout à domicile, est en première ligne pour observer les effets secondaires ou adverses des médicaments, l’inobservance et les mésusages. Ce rôle de « vigie » du kiné est assez méconnu.
  • Le kinésithérapeute est limité dans son ambition par les réserves fonctionnelles du patient.
  • Viser la récupération ad integrum est généralement illusoire, réacquérir le niveau d’autonomie précédent les raisons de l’intervention kinésithérapique est le premier objectif, trouver les moyens de le maintenir est le second. Nous baignons dans le biopsychosocial, dans la complexité.
  • Le déclin moteur est inévitable, le réintégration est souvent temporaire, la dégradation par paliers successifs est remarquable, les occasions sont nombreuses de prendre un « coup de vieux », il faut s’adapter, revoir les objectifs, persévérer.
  • Eduquer le patient est toujours utile, lui démontrer qu’il peut faire quelques chose d’utile à la préservation de son autonomie fonctionnelle est nécessaire, les outils du quantified self sont utiles, partager un bilan visuel sur tablette est une bonne idée.
  • Instaurer ou réinstaurer un rythme de vie plus actif est efficace, certainement pas facile à obtenir.
  • Porter attention aux détails susceptibles de changer la donne, dans le bon comme dans le mauvais sens ou comment lever une cervicalgie en changeant de place le téléviseur…
  • On adopte jamais assez tôt un fauteuil éclectique à deux moteurs, hauteur et largeur sont des données fondamentales largement mésestimées.
  • Faire savoir qu’on devient ce que l’on fait est pertinent, communiquer cette évidence est un exercice subtil, ne pas oublier de notifier que chaque geste compte.
  • Se contenter de « faire marcher » une personne âgée conduit… nulle part ! Par contre des visites « exploratoires » (autres pièces, sortir du lieu de vie, puis dans le quartier) centrée sur la perception et l’adaptation des comportements moteurs à l’environnement sont riches d’enseignements et permettent de réactiver des mémoires sensori-motrices anciennes.
  • Prévenir ou rééduquer n’est pas pallier. Le kinésithérapeute n’est pas une béquille humaine, si nécessaire il prescrira des aides de marche et éduquera à leur utilisation. L’autonomie d’une personne accompagnée est toujours plus déficitaire que celle d’une personne avec une canne ou un déambulateur, il y a des endroits où l’on préfère se rendre tout seul.
  • Enfin savoir qu’il est possible d’écrire un livre sur le chaussage et ses conséquences